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L’Echo du 27 juillet 2019

Ministre du Budget en affaires courantes, voilà une casquette bien difficile à porter en période de canicule. Alors que le soleil brille, la situation chauffe du côté des finances publiques. Avec un ciel qui s’assombrit de jour en jour, comme dans le cas d’un incendie non maîtrisé – on parle, ici, de « dégradation du budget à politique inchangée », liée à l’absence de gouvernement de plein exercice.

Chaque 24 heures qui passent, ce sont 8 millions de plus qui s’ajoutent à l’ardoise fédérale. Il y a urgence. Cela a été dit par le Bureau du Plan et la BNB, cela a été répété en début de semaine encore par le comité monitoring: le déficit structurel de l’État belge atteindra 7 milliards d’euros en 2019, soit 4 milliards de plus que ce qui était prévu dans les objectifs du programme de stabilité 2019-2022 envoyés à l’Europe. En cause, une dégradation de la situation économique, des dépenses liées à la sécurité sociale plus hautes que budgété, mais aussi et surtout la chute du gouvernement Michel qui a empêché la tenue d’un conclave au printemps, exercice qui aurait permis de tenir compte de nouvelles réalités économiques et d’y répondre de façon appropriée.

Et comme si cela ne suffisait pas, et qu’il convenait encore jeter de l’huile sur le feu, cela n’ira pas mieux demain. Car, côté politique, l’avancement des informateurs fédéraux semble à cette heure plutôt marqué par le gel que par les déclarations enflammées entre formations politiques consultées, rejetant à plus tard l’idée d’émergence d’un exécutif de plein exercice, garant de la prise de nouvelles mesures, pour éteindre l’embrasement constaté jusqu’ici.

C’est pourquoi Sophie Wilmès n’y va pas avec le dos de la cuillère, lorsque nous la rencontrons pour parler de la situation du pays, en cette fin de semaine. « Plutôt qu’un impératif, un acquis aujourd’hui, la donne budgétaire se dégradant est surtout un appel aux plus grands partis du nord et du sud du pays d’accepter d’enfin dialoguer. Non pas pour anticiper un certain type de gouvernement, ça, ça vient après. Mais bien de discuter. C’est une première étape nécessaire. » D’autant que pour les citoyens, « je comprends que ce soit difficile à appréhender au vu des annonces qui se suivent ». Et qu’en filigrane, l’Europe a le pouvoir de sanctionner. Un élément à garder en tête.

 

« Les Bruxellois méritaient qu’on essaie autre chose. »

On l’interroge alors sur ce qu’elle a pu entendre du libéral Didier Reynders, qui œuvre en coulisses à une mission fêtant ses deux mois déjà, aux côtés du socialiste Johan Vande Lanotte. « Ce sont des personnalités politiques de premier plan, qui connaissent les rouages de la Belgique institutionnelle et les dynamiques à l’œuvre entre partis politiques. Ils sont pleinement conscients que tout projet devra s’inscrire dans un cadre budgétaire que l’on aime ou que l’on n’aime pas, mais qui existe. Pour autant, les informateurs ne peuvent pas aller plus vite que la musique. Ils n’ont aujourd’hui pas la capacité de réunir des gens qui ne veulent pas se parler. » Pour en savoir plus sur leurs avancées, rendez-vous lundi. Le duo sortira alors de son chapeau son quatrième rapport d’information à l’endroit du Roi.

Bref, si l’on devait résumer: la situation a de quoi laisser présager de beaux altostratus, ces nuages indiquant l’arrivée prochaine de précipitations. Débouchant sur le paradoxe pour la ministre d’être à la tête d’un portefeuille qui nécessite de l’action, mais aussi d’appartenir à un parti qui n’a pas les clés en main au Fédéral et se doit donc d’attendre une quelconque forme d’ouverture de la part du PS et de la N-VA… Mais qu’importe, le budget, c’est une passion pour Sophie Wilmès. « Pas parce que c’est l’addition de lignes budgétaires, mais parce qu’il en va de la colonne vertébrale de toute décision. Cela vous donne une vision transversale de la dynamique politique et sociétale. »

« Le budget n’est pas la seule matière passionnante. Il y a les finances, l’emploi… »

De là à rempiler, si la porte s’ouvrait? « Ce n’est pas la seule matière passionnante dans un exécutif, confie-t-elle, le regard franc. Il y a les finances, l’emploi… Mais penser déjà maintenant au poste que l’on veut occuper dans un gouvernement, c’est prendre le problème à l’envers. Il faut d’abord s’accorder sur le projet à construire dans l’intérêt de tous les Belges. De là, alors, on peut regarder si l’on peut y être utile. » Et de souligner que « la colonne vertébrale de ce gouvernement (Michel I, NDLR) a été parfaitement libérale, avec un Premier ministre et la plus grande famille politique du gouvernement libéraux ».

 

« Le départ de Charles ne précipitait ni n’empêchait rien »

L’on aborde alors le sujet tabou de la semaine. Lundi, six personnalités libérales parmi lesquelles des « anciens ministres et parlementaires » ont appelé, sous couvert d’anonymat, Charles Michel à remiser le tablier de président sans tarder. Dans la journée, 45 pontes du parti ont réagi conjointement affirmant l’ »unité » et la « sérénité » régnant au MR. De quoi désavouer la contestation – et ce, alors même qu’un frondeur a sûrement participé au putsch puis à son démenti, tous les ministres l’ayant signé. « Cette sortie est assez incompréhensible – vouloir des élections, alors qu’elles étaient prévues, cela n’a pas de sens. D’autant que nous avons toujours donné la possibilité à tout un chacun de s’exprimer. Les choses sont toujours faites d’un commun accord au MR. Avec la particularité que les instances du parti ont exprimé leur volonté de voir Charles Michel nous porter pendant la campagne électorale, puis continuer sa mission jusqu’à la formation des gouvernements, avec, par après, une élection présidentielle. Dans ce timing-là, son départ ne précipitait ni n’empêchait rien. »

 

« La colonne vertébrale du gouvernement Michel I a été parfaitement libérale. »

Mais bon, « aujourd’hui, c’est case closed pour lui », indique Sophie Wilmès, s’entretenant souvent avec le futur président du Conseil européen. Avant de tacler, au passage: « La réalité, c’est que, quand l’on fait partie d’un grand parti, on ne porte pas toujours soi-même la parole majoritaire. Il faut dès lors pouvoir admettre que le groupe dans son ensemble puisse s’exprimer différemment. » Pour autant, « heureusement que tout le monde ne raisonne pas immédiatement et automatiquement de la même manière dans un parti politique, car c’est de la confrontation d’idées, des échanges constructifs, qu’on est à même d’apporter les meilleures solutions à de vrais problèmes ».

Reste que la situation n’est pas anodine. Ici, le parti perd son président, certes, mais aussi un leader. Tout comme il pourrait d’ailleurs éventuellement perdre l’actuel ministre des Affaires étrangères et de la Défense Didier Reynders, à qui a échappé le poste de secrétaire général du Conseil de l’Europe, mais qui pourrait briguer, pourquoi pas, le poste de commissaire européen à pourvoir par la Belgique. Si tel était le cas, cela ferait beaucoup en un coup… Mais qu’on se rassure, « du leadership au MR, il y en a. La ligne est claire et a été tracée ensemble avant la campagne pour tout ce qui est programme mais aussi procédure. Alors, c’est vrai qu’un président qui va prendre des fonctions à l’étranger, on ne va pas faire semblant que ça ne change rien. C’est évident que cela va changer la donne. Et que certains considèrent, envisagent… n’a rien d’anormal. Mais il faut faire les choses pas à pas ».

 

« Présidente? Ce n’est pas d’actualité. Et puis, l’évolution d’un parti est un travail collectif. »

D’ailleurs, sur le départ de Michel, « le parti peut se réjouir que l’un des siens, un libéral de surcroît, soit reconnu par ses pairs européens pour endosser des fonctions aussi importantes », commente la ministre. « Mais, je profite de l’occasion pour dire que ce n’est pas que le parti qui doit s’en réjouir. Quand les dirigeants européens reconnaissent dans le Premier ministre – ils ne le connaissent pas comme président du MR – une capacité à faire le job, c’est bon pour la Belgique dans son ensemble. »

Et en parlant de présidence, elle y songe, elle, à monter au poste de numéro un chez les libéraux francophones? « Ce n’est pas d’actualité. Et puis, l’évolution d’un parti, c’est un travail collectif. » Pour porter quelle ligne? Ecolo-compatible, écoréaliste, libéralisme-social, virage à droite? « Nous sommes un grand parti de centre droit. La preuve par l’absurde est que certains nous disent trop à gauche, d’autres trop à droite. C’est bien la preuve qu’on a trouvé notre centre de gravité le plus stable. Une richesse », martèle-t-elle.

« On n’a pas perdu notre boussole »

Difficile à faire entendre dans un pays de coalitions diverses? Après tout, une bourguignonne n’est pas une violette, ni une coalition arc-en-ciel… « On vit dans un pays avec une dynamique de coalition, certes. Mais ce n’est pas parce que vous êtes en coalition avec d’autres partis que votre ligne est vague pour autant. Notre ADN politique, on le connaît. On n’a pas perdu notre boussole. Nous ne voulons pas en être pour le plaisir d’en être. Nous voulons marquer les décisions et le projet de société des futurs exécutifs de notre empreinte libérale. »

« Déménager à Bruxelles? Le domicile est d’abord un projet de vie, de famille. »

Pour autant, d’autres n’en ont pas voulu, comme à Bruxelles où le gouvernement s’est formé sans le MR, malgré les tergiversations de l’Open Vld sur le sujet. « Quel dommage, soupire Sophie Wilmès. Cela fait 15 ans que les libéraux sont systématiquement exclus de tout attelage, alors que l’on voit bien que Bruxelles ne va toujours pas bien, que cela n’évolue pas favorablement. Je pense que les Bruxellois méritaient qu’on essaie autre chose, qu’on leur propose du nouveau. C’était le moment. En tant qu’amoureuse de Bruxelles, je trouve cela compliqué à avaler. »

Facile à dire, quand on habite à Rhode-Saint-Genèse, diront les mauvaises langues. « Les liens entre la périphérie et Bruxelles sont très importants et indémêlables », rétorque la ministre. Alors, on lui pose LA question à 100 francs. Déménager à Bruxelles, pour profiter d’une autre circonscription électorale, envisageable? « Le domicile, c’est d’abord un projet de vie, de famille, avant d’être un projet politique. Aussi, je suis d’avis que la commune d’où l’on vient n’est pas déterminante dans la capacité de gérer ses dossiers et travailler de manière efficace. » C’est dit.