“Il faut protéger nos policiers, ceux qui nous protègent”

Sophie Wilmès a quitté son poste de Première ministre voici deux mois, pour celui de vice-Première, en charge des Affaires étrangères et chef de file du MR au fédéral. Le Covid est passé par là, rattrapant l’ex-skipper du navire Belgique au moment où elle passait la barre. Près d’un mois après sa sortie de l’hôpital, elle va bien mieux, même si la fatigue persistante, comme le disent tous les , pr end du temps à se dissiper. Elle annonce les lignes de force qu’elle défendra au sein du gouvernement en tant que cheffe de file du MR.

Comment passe-t-on du rôle de Première, capitaine d’un navire en pleine tempête, à un rôle plus en retrait, moins exposé ?

Quand vous le dites dans ces mots-là, je ne peux que vous dire que cela me convient bien. Je suis de nature quelqu’un de discret, qui n’a pas de joie à être exposée médiatiquement. C’est dans ma nature. Sur cet aspect, c’est plutôt positif.

C’est presque un soulagement ?

Je ne dirais pas cela. Car en parlant de soulagement, vous mettez un bémol sur mon sens du devoir. Et mon sens du devoir a toujours prédominé dans tous mes choix. On ne demande pas à être Premier ministre. On le devient. Parce que la vie vous y amène, ou parce que vous avez négocié un accord de gouvernement et que les rapports de force sont tels que… vous n’êtes pas Premier ministre, vous occupez et incarnez la fonction de Premier ministre. C’est fondamental. Cela ne vous définit pas en tant que personne. Vous êtes là pour remplir une mission, une tâche. Je l’ai fait de cette manière-là, et je m’en suis écartée de la même manière, sans état d’âme et sans difficultés, aucune. D’autant plus que j’allais mettre ma pierre à l’édifice de cet accord de gouvernement, et travailler au service de la Belgique dans une matière qui m’intéresse énormément, toujours avec au premier plan le service à autrui. C’est un fil dans ma vie et ça le restera.

Comme vice-Première, quelle sera la ligne politique que vous suivrez jusqu’en 2024 ?

L’accord de gouvernement a été négocié durant la crise sanitaire et a été marqué, naturellement, par elle. Mais le MR avait avant cela une série de revendications politiques liées à son ADN et qu’il gardera. Tous partis confondus, pour faire fonctionner ce gouvernement, il faut d’abord être loyal et loyal à l’accord de gouvernement qui est le fruit d’un compromis. À l’intérieur de ce pacte de majorité, le MR voudra prendre certains accents : la santé, la relance économique, la sécurité et l’environnement. Certains points sont fondamentaux pour le MR. Premier point : la santé. J’ai pu incarner la gestion de la crise Covid au départ comme Première ministre mais notre approche reste la même : elle est totalement axée sur la protection de la santé de nos concitoyens, que ce soit à l’égard du Covid comme à l’égard des autres pathologies. J’intègre l’aspect santé mentale. Autour de nous, des gens vont plus ou moins bien vivre les difficultés du confinement.

Le MR ne se fera pas beaucoup d’ennemis au sein du gouvernement. Vos partenaires de majorité seront d’accord avec ces points.

Dans l’application de ces principes, des différences peuvent émerger. Par exemple, quand je parle d’approche psychologique de la santé, je fais le lien avec les projets de vie. Il est dommage d’opposer l’économique à la santé. Quand le MR parle des indépendants, son point de vue est lié à l’économie de notre pays mais aussi aux parcours individuels, ces femmes et ces hommes qui ont tout risqué pour développer leur magasin, leur PME, leur entreprise. Quand le gouvernement prend une décision, il faut toujours prendre en compte les entrepreneurs et les indépendants et tous ces projets de vie qui se cachent derrière.

Les affaires étrangères, c’est un poste qui vous intéressait depuis longtemps ?

Les affaires étrangères, c’est fondamental. On l’oublie un peu en Belgique. On se dit : la Belgique est un petit pays, pas un grand joueur sur la scène internationale. C’est une erreur d’appréciation. Le job de ministre des Affaires étrangères doit permettre de faire rayonner le pays à l’international. On a été frappés, comme beaucoup de pays, par le Covid. S’il y a un moment où il faut aller chercher des leviers d’investissement, c’est maintenant. Il y a un vrai challenge. Pour cela, lier les compétences des affaires étrangères au commerce extérieur (elle occupe les deux compétences) est une excellente chose.

Les ministres de l’Intérieur et de la Justice ont appelé récemment à la “tolérance zéro” à l’égard des violences contre la police. Est-ce également votre cas ?

La sécurité est l’un des axes que je compte suivre en tant que vice-Première ministre. Il y a encore de grands challenges à relever au niveau sécuritaire. Je n’ai pas de craintes particulières mais les événements dans le monde ont eu et peuvent avoir des conséquences douloureuses pour la sécurité de nos concitoyens. Par ailleurs, au niveau de la police, l’accord de gouvernement prévoit le recrutement de 1 600 policiers par an et je veux absolument que cet objectif soit réalisé. Vous n’aurez pas de politique de sécurité efficace sans le personnel derrière pour la mettre en œuvre. Ce point est la clef de voûte. Nos policiers doivent être contrôlés dans la manière dont ils exercent leur travail mais il faut surtout que nos policiers puissent travailler dans des conditions normales de sécurité. Ils travaillent pour nous, je le rappelle. Nous devons protéger ceux qui nous protègent. Une circulaire a déjà été émise dans le sens de cette tolérance zéro et je m’en réjouis. Le MR apportera également un soutien fort à d’autres chantiers en matière de justice comme la lutte contre le sentiment d’impunité.

Faut-il donner une prime, une récompense, pour le travail accompli durant le confinement par la police ?

Ce n’est pas prévu, à ma connaissance. Mais, de manière générale, et c’était aussi le cas avec le personnel soignant, ce qui leur importe le plus, ce sont les conditions de travail et la possibilité pour eux de faire leur job malgré la crise. Oui, il y a une prime pour le personnel soignant et elle est la bienvenue. Mais la réalité, c’est que la demande fondamentale est ailleurs et se trouve dans les conditions de travail. Et pour la police, c’est la même chose.

Comment la Belgique accueille-t-elle l’arrivée de Joe Biden à la présidence américaine après 4années avec Donald Trump ?

La Belgique, évidemment, accueille positivement l’élection d’un nouveau président. Mais il faut toujours être attentif au fait que plus de 70 millions de personnes ont voté pour M. Trump. C’est un message adressé au président élu, Joe Biden. Mais aussi un message adressé à l’externe. On doit être attentif à ce vote. Mais c’est vrai que cette élection favorable à Joe Biden est une issue enthousiasmante. Ce qui est important en politique étrangère, c’est aussi la capacité de raisonner ensemble. Biden n’a pas fait mystère de sa volonté de se réengager dans ces organisations et le multilatéralisme. Ce n’est pas pour autant que Joe Biden va tout changer à la politique des États-Unis.

 

Élargissement des contacts à Noël : “Je garde l’espoir que la situation sanitaire nous permette de réenvisager les choses”

Le comité de concertation a annoncé la réouverture des commerces dès mardi. C’était une priorité ?

Rouvrir les commerces était nécessaire pour répondre à la détresse de milliers de Belges, de tous ces indépendants et commerçants. Je pense que c’est un soulagement pour bon nombre d’entre eux. Il ne faut jamais oublier que derrière un commerce, il y a souvent un projet de vie. Bien entendu, cela ne se fera pas n’importe comment. Le cadre est très précis. Tout sera mis en œuvre pour que cette réouverture soit en concordance avec les efforts menés par nous tous pour lutter contre le virus.

On ne relâche pas vraiment la pression pour Noël. C’est assez dur pour la population ?

On sait que les rassemblements et les fêtes sont autant d’opportunités pour le virus de se propager. Malheureusement, la situation sanitaire ne nous permet pas d’envisager un élargissement de nos contacts sociaux comme on le souhaiterait et c’est un crève-cœur. Particulièrement à l’approche de cette fin d’année. Je garde toujours l’espoir que la situation sanitaire nous permette de réenvisager les choses même si ça n’a pas l’air d’être le cas.

Beaucoup de Belges se demandent quand ils pourront revoyager de manière plus normale, pour aller en vacances, au ski ou voir de la famille à l’étranger. Ne peut-on pas leur donner un espoir ?

Un espoir certainement, car la situation ne sera pas toujours comme celle-ci. Mais il faut être clair. Cela dépend de la situation sanitaire dans le reste du monde. Et bien malin qui peut prévoir où on en sera. Les frontières ne sont pas fermées au niveau européen, mais on déconseille fortement de de se déplacer. Je suis de l’avis de Mme Merkel, il faut une approche coordonnée, générale.

Adrien de Marneffe

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