Quel est l’enjeu central de ce scrutin européen, à votre avis?

Il y en a plusieurs et ils sont tous aussi importants les uns que les autres. L’Europe s’est construite pour la paix, il faut le rappeler car la guerre est à sa porte avec un Poutine dont les velléités sont inquiétantes. Ainsi que l’article 2 du traité qui consacre des valeurs qui sont chères à l’Europe: les libertés individuelles, l’égalité entre hommes et femmes, la possibilité d’être ce qu’on est et de devenir ce qu’on veut devenir, d’aimer qui on souhaite. On pense ces valeurs pérennes en Belgique, tant mieux, mais la réalité de l’Europe est un peu différente. On a vu la Pologne ou la Hongrie grignoter ces valeurs, il faut faire rempart.

Et sur le plan économique ?

La question de l’autonomie stratégique devra se poser de manière transversale dans toute la politique européenne. Il y a le constat de notre trop grande fragilité liée à nos dépendances par rapport à d’autres pays. L’autre réveil nécessaire concerne l’approvisionnement énergétique, l’invasion de l’Ukraine ayant révélé notre trop grande dépendance vis-à-vis du gaz et du pétrole russes. La question de l’autonomie stratégique est d’autant plus centrale que nous sommes face à d’autres enjeux, ceux de la transition climatique et de la transition numérique.

Les États européens n’ont pas cessé de se faire concurrence au niveau industriel ?

Le réveil est là, il y a 11 alliances industrielles pour investir dans les secteurs stratégiques et les technologies vertes. Un niveau réglementaire simplifié, les financements et les soutiens à la formation sont des réalités. Il faut maintenant mettre ces dispositifs en application, et pour moi, la question de l’autonomie stratégique doit être traitée sous la responsabilité directe de la présidence de la Commission européenne. Avec une obligation de suivi pour nous assurer que de nouvelles réglementations ne nous tirent pas une balle dans le pied.

L’Europe souffre aussi du soutien massif des USA à leur industrie, sans parler de la Chine. L’Europe doit-elle se montrer plus protectionniste ?

L’objectif du plan industriel vert était aussi de répondre à la politique des États-Unis mais malheureusement on est arrivés fort tard avec des moyens qui, à mon avis, n’ont pas été dégagés de manière suffisante, ni par le secteur public ni par le secteur privé. Il faut mettre le turbo.

Il faut une pause environnementale ? Ecolo accuse les autres partis de vouloir geler les efforts à fournir pour lutter contre le réchauffement.

C’est ce que je regrette très fort dans la discussion qu’on a, par exemple, avec les écologistes: une binarisation de la réflexion. Elle revient à dire : on continue comme on le fait sans se poser de questions et si vous émettez des critiques, vous êtes de ceux qui ne veulent pas travailler pour le climat. Je ne suis ni dans un camp ni dans l’autre. Nous devons impérativement travailler pour lutter contre le dérèglement climatique, pour la biodiversité, etc. Mais il y a moyen de le faire de manière intelligente. C’est-à-dire sans se tirer une balle dans le pied comme on l’a parfois vu en agriculture.

Comment expliquez-vous le succès de l’extrême droite européenne ?

Pour moi, il faut une Europe plus proche de nous, une Europe qui travaille au départ des connaissances et des difficultés du terrain, pas de manière trop bureaucratique. Et on a souvent tendance à balayer d’un revers de la main certaines des préoccupations des gens. À Bruxelles on nous a dit pendant des années qu’il n’y a pas de zone de non-droit, pas de problème de sécurité. Mais on se retrouve avec des fusillades quasi toutes les semaines. C’est insensé. On estime cela normal et habituel. Faire semblant que cela n’existe pas ou minimiser ces problèmes, c’est faire le lit de l’extrême droite.

Vous accusez les partis de gauche ?

En tout cas à Bruxelles, les libéraux peuvent difficilement être mis en cause. Les extrêmes jouent sur les peurs, en proposant des réponses simplistes diffusées en masse sur les réseaux sociaux.

 

L’interview en intégralité se trouve ici