* Traduction libre *
Mesdames et Messieurs les Députés,
C’est avec plaisir que je vous retrouve aujourd’hui pour revenir sur le sixième mandat de la Belgique au sein du Conseil de Sécurité des Nations Unies, qui comme vous le savez s’est terminé au mois de décembre 2020. Lors de la présentation de ma note de politique générale je vous avais dit que l’on reviendrait sur cette période importante pour la diplomatie en général, et certainement importante pour la diplomatie belge, bien que je reconnaisse très humblement avoir peu de valeur ajoutée dans la présentation de ce qui s’est passé avant que j’aie pris mes fonctions en tant que Ministre des Affaires étrangères.
Il est évident que la présence de la Belgique au cœur du processus de décision pour la paix et la sécurité internationales est très important pour la Belgique, et c’est aussi, ne l’oublions pas est le résultat d’une vision qu’ont eue mes prédécesseurs, et ls gouvernements antérieurs.
Ces deux ans au sein du Conseil de sécurité représentent un travail collectif d’envergure pour toute notre diplomatie. Je suis d’ailleurs accompagnée aujourd’hui de Monsieur Axel Kenes, Directeur général pour les Affaires multilatérales du SPF Affaires étrangères.
Je suis aussi accompagnée de Madame Delphine Delieux qui a été, lors de ces deux ans, coordinatrice politique adjointe à New York et qui a suivi de très près les différents stades, les différentes évolutions du travail que l’on a pu faire là-bas.
Je leur ai demandé de venir ici aujourd’hui pour que l’on puisse tous profiter de leur science, de leurs connaissances, si d’autant est que nous en ayons besoin, pour répondre à vos questions plus spécifiques
Le mandat au Conseil de Sécurité des Nations Unies, comme vous le savez, s’étendait du 1er janvier 2019 au 31 décembre 2020. Ce fut donc une période de deux ans de diplomatie de pointe. Mais dans le cadre d’une révision du mandat, nous devons élargir le champ d’action. Nous devons aller au-delà de la période 2019-2020.
Il y a aussi ce qui a précédé le mandat :
- Tout d’abord, la décision, prise il y a plus de 12 ans, de poursuivre le mandat – une ambition que plusieurs gouvernements ont approuvée ;
- Puis, une intense campagne qui a culminé en juin 2018 par le soutien de pas moins de 181 pays à la candidature belge ;
- et les préparatifs de fond et d’organisation de toutes les parties de la politique étrangère belge.
Et il y a aussi ce qui suit après le mandat :
- les fruits que nous récoltons aujourd’hui et demain ;
- l’impact des décisions importantes que nous avons contribué à façonner ;
- et les conséquences positives sur la visibilité, la crédibilité et la réputation de la diplomatie belge.
Il y a de nombreux éléments à aborder sur l’engagement de la Belgique au sein du Conseil de sécurité. Des questions ont régulièrement été posées au sein de cette commission sur la différence que notre pays a pu faire dans cette enceinte internationale.
Comme vous le savez, notre pays a participé activement aux débats sur chacun des dizaines de dossiers inscrits à l’ordre du jour du Conseil de sécurité. Il s’agissait souvent de points d’attention belges habituels tels que l’Afrique centrale, le Moyen-Orient ou encore la protection des enfants.
Mais il y avait aussi moins certains dossiers auxquels nous avons moins l’habitude de porter intention nous Belges, et portant ils sont quand même importants puisqu’ils sont évoqués au sein de ce Conseil de Sécurité des Nations unies. Je pense par exemple à la Guinée-Bissau, à l’Asie centrale ou à Haïti, bien que, si je ne me trompe pas, durant la dernière Commission nous ayons eu une question sur la situation en Haïti. Cela ne nous a néanmoins pas empêché de prendre position et, ainsi, de contribuer activement à fixer le cap de la communauté internationale.
Aujourd’hui, je voudrais vous dire pourquoi ce mandat était d’une grande importance pour notre pays mais surtout ce que nous y avons concrètement réalisé, et comment notre pays s’y est positionné.
La question du « pourquoi » du mandat au Conseil de Sécurité est probablement la plus importante. Cette question de la finalité, d’ailleurs, doit être posée en permanence pour chaque décision de politique étrangère.
Mes réponses ne vous surprendront peut-être pas. Mais je pense qu’il est très important de réitérer la nécessité du mandat. L’investissement pour le mandat au Conseil de Sécurité a été considérable, mais l’importance est très claire pour moi.
Le fait que le multilatéralisme soit dans le sang de la diplomatie belge n’est pas un truisme pour rien. Un ordre mondial qui fonctionne bien et qui est fondé sur des règles équitables offre à un petit pays ouvert comme le nôtre la sécurité, la protection de notre prospérité et un levier pour promouvoir des valeurs importantes.
Une politique multilatérale active est donc une nécessité pour notre pays. Nous devons jouer un rôle, nous devons prendre des responsabilités, nous devons aider à déterminer la direction.
Plus d’une centaine de résolutions ont été adoptées par le Conseil de Sécurité au cours des deux dernières années. Nombre d’entre elles ont une importance directe ou indirecte pour notre pays.
– Par exemple, lorsque le Conseil de Sécurité cherche des solutions au conflit au Mali, cela a un impact sur le déploiement des casques bleus belges sur le terrain ;
– Lorsque le Conseil, en partie grâce à la Belgique, assure l’accès humanitaire aux civils en Syrie, cela a des conséquences pour de nombreuses personnes déplacées et réfugiées ;
– Lorsque le Conseil de sécurité décide que la réforme du secteur de la sécurité en RDC est une condition préalable au départ de l’opération de maintien de la paix des Nations Unies, cela a également un impact sur la coopération au développement belge et européenne.
Ce ne sont que quelques exemples. Mais ils montrent combien il est important de pouvoir peser les décisions au sein du Conseil de Sécurité.
Il s’agit donc d’une question d’intérêt personnel. Mais c’est tout autant une question de principe. Comme je l’ai également dit il y a quelques mois à l’Assemblée générale des Nations Unies – alors en tant que Premier ministre : les défis transfrontaliers d’aujourd’hui exigent un multilatéralisme efficace. Et nous ne pouvons construire cela que sur une base de confiance mutuelle, de responsabilité et d’engagement.
Le mandat de la Belgique au Conseil de Sécurité est une expression concrète de cet engagement. Les cinq mandats précédents l’étaient tout autant.
Il y a également une dimension de rayonnement diplomatique. Bien sûr, les deux dernières années au sommet de la diplomatie internationale ont également accru le poids spécifique de la diplomatie belge. Notre rôle actif, notre constance et notre sérieux ont donné à notre pays la crédibilité et le droit de parler. Et aussi par la suite.
Le mandat s’est poursuivi avec un accès accru aux principaux décideurs des principaux acteurs dans de nombreux dossiers géopolitiques.
Les partenariats existants avec les amis habituels ont été approfondis. Et avec des États membres moins évidents, de nouveaux liens se sont tissés dans la recherche de solutions aux grandes crises actuelles.
Pouvons-nous donc déjà prendre du recul et regarder en arrière pour y trouver une note positive ? Sur certains aspects, oui. Mais il faut également se rendre à l’évidence : la dynamique actuelle du Conseil de sécurité n’est vraiment pas facile. Nous devons reconnaître que, même avec la meilleure volonté d’un membre élu tel que la Belgique, il est parfois difficile de dépasser certaines tensions au sein du Conseil de sécurité.
Dans un instant, je reviendrai sur les tâches spécifiques qui ont été confiées à notre pays au sein du Conseil de sécurité. Mais permettez-moi d’aller un pas plus loin concernant l’influence du Conseil de Sécurité. En effet, cela détermine ce que les membres individuels du Conseil – et a fortiori les membres élus – peuvent faire.
Les tensions géopolitiques croissantes que vous connaissez se font également – et inévitablement – sentir au sein du Conseil de sécurité. En particulier, la relation délicate entre certains membres permanents – qui ont un droit de veto – est souvent un obstacle difficile dans la prise de décision. Les relations entre les États-Unis et la Russie ne se sont pas améliorées au cours de ce mandat, que du contraire. La Russie n’a pas hésité à jouer la carte de l’obstructionnisme sur certains dossiers dans lesquels elle est directement impliquée, comme par exemple le dossier syrien. En matière de droits humains, nous avons parfois du buter sur un mur élevé par certains membres permanents.
Je pense par exemple au cas – puisque cela est dans l’actualité – du Myanmar, un dossier qui a nécessité plusieurs années avant qu’il ne puisse être mis à l’agenda du Conseil. Durant notre mandat, nous avons pu obtenir des conclusions sur le sujet.
Les relations entre les États-Unis et la Chine n’avaient en outre rien à envier à celle entre Les Etats-Unis et la Russie. L’apparition de la pandémie de la COVID-19 a rendu ces relations, vous vous en doutez, encore plus tendues. Il n’est pas exagéré de parler d’une rivalité stratégique.
Nous avons également constaté une certaine réticence à intégrer les questions relatives aux droits humains dans les débats. Les réalisations importantes dans le domaine de la protection et de la participation des femmes dans le contexte des conflits, les briefings de la société civile ou la neutralité de l’aide humanitaire sont remis en question à haute voix et fréquemment par la Chine et la Russie. La Belgique a dû se battre pour défendre ces principes essentiels.
Certes, le Conseil de sécurité des Nations Unies arrive toujours à prendre des décisions. Mais le processus n’est pas simple. Suite à ces tensions, la prise de décision à l’unanimité est devenue plus difficile ces dernières années. Depuis le début du XXIème siècle, le nombre de résolutions adoptées à l’unanimité n’a jamais été aussi bas qu’en 2020.
Et l’unanimité est importante, car elle montre clairement que le Conseil est uni. En l’absence d’unanimité, les parties concernées ont tendance à n’entendre qu’une partie du message, ou à jouer sur les divergences.
Ce contexte difficile a donc obligé notre pays et d’autres semblables à faire des efforts supplémentaires et à faire preuve de maîtrise dans tous les dossiers. Et ce d’autant plus lorsqu’il s’agit d’accomplir les tâches particulières que la Belgique a voulu assumer ou qui nous ont été confiées.
Cela m’amène à la question de savoir ce que nous avons fait et ce que nous avons pu réaliser exactement.
Notre pays a notamment présidé le groupe de travail sur les enfants et les conflits armés, pour lequel nous avions posé notre candidature de manière très délibérée. Dans ce contexte, le Conseil de Sécurité formule des lignes directrices à l’intention des pays afin de mieux protéger les enfants des effets négatifs des conflits dans les pays concernés. Notre pays a mené toutes les négociations et a tenu la plume dans la rédaction de tous les textes. Dans ce dossier, la Belgique a pris un nouveau cap dans plusieurs dossiers et a été reconnue par les États membres, l’ONU et la société civile internationale :
– Un nombre record de textes ont été adoptés sur 13 des 14 pays qui seront discutés au sein du groupe de travail.
– La Belgique a conduit les membres du Conseil de sécurité à un consensus sur certains des dossiers les plus controversés du Conseil comme la Syrie, le Myanmar et le Yémen. Pour la Syrie, c’était la première fois depuis des années que le Conseil de Sécurité parlait à l’unisson.
– Nous avons également mis systématiquement l’accent sur la protection des enfants dans le cadre des opérations de maintien de la paix des Nations Unies.
– Et il y a un an, le roi Philippe s’est exprimé au Conseil de Sécurité en faveur d’une meilleure protection des enfants dans les processus de paix.
La Belgique tenait également les rênes du comité de sanctions Somalie : un embargo sur les armes permet de lutter contre l’instabilité du pays et notamment les attaques des fondamentalistes Shabaabs. Lorsque la Belgique a pris cette responsabilité, les relations entre le Gouvernement somalien et le comité étaient au plus mal et la communication ne passait plus.
La Belgique a réussi à rétablir cette relation de coopération, et ceci s’est matérialisé par une visite du comité en Somalie en janvier 2020.
Notre tâche la plus difficile a peut-être été de mener les négociations sur l’accès humanitaire transfrontalier à la Syrie, une responsabilité pour laquelle nous étions demandeurs, pas simple, mais nous avons souhaité pouvoir porter cette responsabilité parce qu’elle est importante à nos yeux. Au cours de la première année du mandat, nous avons partagé cette tâche avec le Koweït et l’Allemagne. Après le départ du Koweït du Conseil, seules la Belgique et l’Allemagne sont restées co-plumes de ces résolutions .
L’essence même du système d’accès humanitaire transfrontalier est que l’aide peut traverser la frontière sans autorisation explicite du régime de Damas. Une notification est suffisante. Il s’agit par conséquent d’une restriction de la souveraineté.
C’est la raison pour laquelle c’est un dossier très polarisé : la majorité des vetos de ces dernières années portaient sur le dossier humanitaire syrien (4 sur 6 pendant notre mandat). L’ambition des pays « like-minded » était de garantir un accès humanitaire maximal et direct alors que la Russie, partenaire du régime Assad, souhaitait que toute l’aide humanitaire passe par le régime de Damas.
La Belgique a négocié trois résolutions différentes à cet effet. Certes, le résultat final n’est pas ce que la Belgique et les pays like-minded au sein du Conseil auraient souhaité. Mais grâce aux efforts importants et la mobilisation de tous les membres élus, un point de passage pour l’aide humanitaire a pu être maintenu jusque l’été prochain. Ce point de passage est vital pour des centaines de milliers d’hommes, de femmes et d’enfants dans le besoin en Syrie. Ce n’est pas négligeable.
Un autre dossier complexe confié à la Belgique était la facilitation de la résolution 2231 sur la mise en œuvre de l’accord nucléaire avec l’Iran, le Plan d’action global commun (connu sous son acronyme anglais JCPOA). Après s’être retirés de l’accord, les États-Unis ont été isolés des autres parties au JCPOA au sein du Conseil de sécurité (France, Royaume-Uni, Allemagne, Russie et Chine). La Belgique a néanmoins réussi à maintenir ouverts les canaux de communication. Pour ce faire, elle a joué un rôle d’ « honest broker » entre les membres du Conseil. A la fin du mandat, la Belgique a réussi à aboutir à un rapport consensuel sur la situation.
En Belgique, faire un rapport n’est pas très compliqué, et avoir un accord sur un rapport n’est pas extrêmement complexe non plus. Je peux vous garantir que le job au niveau des Nations unies, quand vous parlez aux parties en présence, même un rapport consensuellement adopté est déjà une prouesse, et certainement dans des sujets aussi délicats que le JCPOA. Je dis cela avec d’autant plus de facilité que ce n’est pas moi qui ai mené ces danses-là. Un big bravo à nos équipes diplomatiques et à mes prédécesseurs.
La Belgique tenait également la plume sur les questions transfrontalières en Afrique de l’Ouest, en duo avec la Côte d’Ivoire en 2019, puis avec le Niger en 2020. Ce rôle n’est pas anodin et le fait qu’il ait été proposé par nos collègues africains à la Belgique démontre une appréciation de notre rôle et notre réseau de postes dans la région. La Belgique a pu à ce titre unifier la voix du Conseil de sécurité dans 3 textes-clefs – autrement appelées des Déclarations présidentielles – pour appuyer les efforts régionaux des Nations Unies, notamment en matière électorale.
La Belgique a également organisé le premier débat ouvert du Conseil de sécurité sur la justice transitionnelle. Cela peut être considéré comme un succès en soi. Notre pays aurait également souhaité adopter une résolution sur ce sujet, mais s’est heurté à la résistance, aux menaces de veto, de deux membres permanents. Néanmoins, le sujet a été mis à l’ordre du jour et l’idée d’une résolution peut être reprise plus tard par les nouveaux membres élus au Conseil de sécurité.
Chers membres de la commission,
Sur les dossiers des enfants et des conflits armés, de la Somalie, de la Syrie, de l’Afrique de l’Ouest et de l’Iran, notre pays a souvent joué les premiers violons. Et nous avons fait de grands efforts pour ancrer la justice transitionnelle dans l’agenda du Conseil.
Mais la Belgique était également présente sur les dizaines d’autres sujets et questions de pays qui sont traités par le Conseil de Sécurité.
– Je pourrais expliquer comment la Belgique a contribué à la mise en place d’un groupe de travail sur l’impact du changement climatique sur la paix et la sécurité.
– Nous pourrions parler de la façon dont la Belgique a mis le droit humanitaire international, la responsabilité, la protection des enfants et les droits de l’homme au premier plan des discussions sur la catastrophe humanitaire au Yémen.
– Vous pourriez vous demander comment, grâce à la Belgique, la mission de maintien de la paix des Nations Unies au Mali se concentre désormais aussi sur le centre du pays.
Mais je veux aussi vous parler du « comment » de notre mandat.
Y avait-il des points communs tout au long du mandat ? Comment la Belgique s’est-elle distinguée, en dehors des dossiers individuels ?
Avec un accent particulier sur la transparence et l’ouverture, par exemple.
– La Belgique a souvent veillé à ce que des défenseurs des droits humains ou des représentants de la société civile soient présents à la table du Conseil de Sécurité pour partager leurs points de vue et leurs expériences.
– Lorsque cela n’était pas possible, ces acteurs étaient impliqués d’autres manières : par des briefings, par des consultations à Bruxelles, à New York ou dans d’autres missions diplomatiques, avec des demandes de contribution pour certaines négociations.
– La même disponibilité et la même ouverture s’appliquaient aux autres membres des Nations Unies qui ne siégeaient pas au Conseil de Sécurité. Ou pour la presse et les autres médias.
La Belgique s’est également profilée comme un ardent défenseur du droit international, du droit international humanitaire, des droits humains et de l’État de droit.
– En tant que point de contact de la Cour pénale internationale, notre pays s’est systématiquement efforcé d’obtenir des références fortes à la Cour dans les dossiers de pays concernés tels que la RDC, le Mali et la République centrafricaine. En mobilisant les parties au traité concernées, la Belgique a également mené la défense politique de la Cour contre les efforts américains visant à rendre le travail de la Cour pénale internationale plus difficile.
– La diplomatie belge a également pesé dans les discussions sur les femmes, la paix et la sécurité et les violences sexuelles dans le contexte des conflits. Nous ne souvenons particulier des efforts belges pour unir les pays de même sensibilité contre les manœuvres de la Russie et, dans une moindre mesure, de la Chine pour saper l’agenda des femmes, de la paix et de la sécurité.
– Un troisième exemple de l’attention portée par la Belgique aux droits de l’homme est son engagement à tenir un langage ferme sur les violations des droits humains et l’impunité dans les mandats de certaines opérations de maintien de la paix. Je pense, par exemple, à l’opération de paix de la MONUSCO, où la Belgique a toujours plaidé en faveur du maintien d’une composante essentielle des droits de l’homme.
Dès le début du mandat, la Belgique a voulu mettre l’accent sur la prévention des conflits. L’action du Conseil de sécurité est plus souvent curative que préventive. Et cela doit changer. Nous avons joint le geste à la parole :
- La Belgique a ainsi régulièrement demandé à l’ONU de procéder à des analyses prospectives, destinées à attirer l’attention du Conseil de sécurité sur les signes avant-coureurs d’éventuelles violences.
- La Belgique a initié ou soutenu diverses réunions du Conseil de sécurité pour discuter des crises émergentes qui ne sont pas encore à l’ordre du jour régulier. Je pense par exemple à la situation au Cameroun ou aux consultations sur les récentes crises en Éthiopie et au Haut-Karabakh.
- Notre travail en tant que co-négociateur des textes sur le rôle de l’ONU en Afrique de l’Ouest et au Sahel a également été entièrement consacré à la prévention des conflits.
La dimension européenne de notre mandat était une autre caractéristique de l’engagement de la Belgique. En tant que membre fondateur de l’Union européenne (UE), la Belgique n’a pas ménagé ses efforts pour soutenir une voix européenne au Conseil de sécurité.
Le renforcement de la coopération européenne peut par exemple être mesuré par un nombre remarquable de « press stake-outs » communs de l’UE qui ont renforcé la voix européenne. Après tout, l’UE est un partenaire clé des Nations unies.
En outre, l’UE et ses États membres sont souvent les principaux donateurs dans les zones de conflit discutées au Conseil de sécurité. Et les missions militaires et civiles de l’UE complètent souvent les opérations de maintien de la paix des Nations unies.
Chers membres de la commission,
Le slogan du mandat belge au Conseil de Sécurité était « Fostering Consensus – Acting for Peace« . En d’autres termes, il s’agit de forger un consensus. Cela m’amène à une dernière caractéristique de l’action belge. Je pense que nous pouvons en effet dire, sans fausse modestie, que nous avons souvent été bâtisseur de ponts au sein d’un Conseil divisé.
– Nous l’avons vu avec des résultats remarquables au sein du groupe de travail sur les enfants et les conflits armés ;
– Nous l’avons également vu dans le dossier iranien – je l’ai déjà dit ;
– Mais nous l’avons également vu – et nous n’en avons pas encore parlé – dans la coopération entre les membres élus du Conseil de Sécurité. Notre pays a sans aucun doute joué un rôle moteur dans l’amélioration de cette coopération sur ce front. En 2019, pour la première fois dans l’histoire, ces membres ont parlé d’une seule voix au Conseil de Sécurité afin d’améliorer la méthode de travail de l’organe et de rendre plus équilibrée la répartition des tâches entre les membres permanents et non permanents.
La même année, la Belgique, avec le Koweït et la Tunisie, a réuni à Bruxelles tous les membres élus sortants, résidents et entrants afin de consolider davantage la coopération. Ce type d’action s’inscrit parfaitement dans le cadre des efforts visant à accroître l’efficacité et l’efficience du Conseil de Sécurité.
Si vous me demandez si nous pouvons regarder en arrière avec satisfaction, la réponse sera plutôt « oui », même s’il y a plusieurs objectifs que nous n’avons pas pu atteindre. Oui, parce que malgré les circonstances, nous avons réussi à aboutir sur certains dossiers, porter certaines valeurs d’importance et continuer à guider les décisions dans la bonne voie.
Et si vous me demandez s’il faut retenter l’expérience je pense que la réponse est oui aussi. Je pense qu’une responsabilité dans un tel mandat dans ces temps d’équilibres plus que changeants et de pressions assez intenses sur le multilatéralisme, quoique tout le monde se revendique maintenant du multilatéralisme, mais je pense qu’il faut faire un plus que le revendiquer, il faut y travailler activement. C’est ce que l’on fait.
On pense aussi de cette expérience que le Conseil de sécurité doit être réformé. La dynamique entre certains membres permanents diminue les capacités d’actions, les capacités de prise de position de ce même Conseil. Je dirais que ce n’est pas malgré tous ces obstacles, mais que c’est justement parce qu’il y a tous ces obstacles que nous devons répondre encore présent, pour pouvoir faire autre chose que de parler de manière creuse du multilatéralisme mais d’y participer activement. Vous savez à quel point pour un pays comme la Belgique c’est essentiel.
Il existe de plus en plus de concurrence pour les sièges de membres élus au sein du groupe des pays occidentaux. Je voudrais par conséquent dès aujourd’hui engager la Belgique dans le futur, la projeter dans l’avenir et proposer une candidature pour un 7ème mandat. Il faut le faire d’une manière intelligente, il faut le faire de façon à ce que ce soit possible et d’après notre analyse le momentum le plus adéquat pour le faire sera pour la période 2037-2038. Alors c’est vrai, nous sommes en 2021 et on se dit 37-38 c’est loin. Je vous rappelle quand même que pour le mandat dont nous discutions aujourd’hui, je l’ai dit dans mon introduction, il a fallu 12 ans de préparation entre le moment ou on s’est porté candidat et le moment où on l’a été. Plus vous avez de candidats en lice, plus vous devez avoir la capacité de vous projeter loin dans l’avenir pour pouvoir justement vous assurer de ce siège.
Chers membres de la commission,
Avant de répondre à vos questions, j’aimerais exprimer ma gratitude.
Je remercie les efforts déployés par toutes les sections de la diplomatie belge impliquées dans la mise en œuvre du mandat.
Merci également au ministère de la défense, qui a joué un rôle important, notamment grâce à son expertise dans ce domaine. Il ne fait aucun doute que le déploiement de la centaine de casques bleus belges de l’ONU dans le cadre de la MINUSMA a donné à notre pays savoir-faire, crédibilité et reconnaissance.
Mais je voudrais aussi remercier ce Parlement, car je sais que ce Parlement et les membres de cette commission suivent ce dossier depuis longtemps. Je voudrais également remercier les gouvernements précédents, les anciens ministres des affaires étrangères qui ont fait en sorte que nous puissions dire aujourd’hui que nous avons reçu un sixième mandat à l’ONU.
Je vous remercie de votre attention.