Sophie Wilmès est entrée dans l’histoire en devenant la première femme Première ministre de Belgique. Elle répond à nos questions.
On vous pose souvent la question… Mais estimez-vous que votre genre a été un frein au niveau professionnel ou plutôt un avantage ?
Tant qu’on me posera cette question, ça veut dire qu’il sera utile d’y répondre et de continuer à témoigner pour faire progresser l’égalité entre les genres. Dans ma vie personnelle et professionnelle, le fait d’avoir été une femme n’a été ni un frein ni un avantage. Je me suis toujours définie par ma personnalité plutôt que par mon genre et j’ai toujours fréquenté des hommes et femmes qui avaient des caractéristiques qu’on attribue généralement plutôt à l’un ou à l’autre genre. Mais ce n’est pas parce que je ne l’ai pas vécu personnellement que je ne suis pas consciente de ce qui se passe pour les femmes autour de moi. »
Comment vivez-vous le statut de première femme Première ministre de l’histoire de la Belgique ?
« Avec le temps, j’ai été frappée de voir à quel point être la première femme Première ministre en Belgique avait de l’importance. Avant ça, je le considérais de manière théorique. Mais j’ai vu que cette nomination avait un impact notamment chez les jeunes. J’ai eu beaucoup de soutien de la part de nombreuses femmes jeunes. »
Vous assumez en quelque sorte un rôle de modèle pour elles.
« Je n’aime pas le mot modèle. Mais inévitablement, voir une femme accéder à ce poste élargit le champ des possibles pour toutes les femmes. Une femme s’identifiera plus facilement à une autre femme, c’est normal. C’est un message d’ouverture et on ne peut que s’en réjouir. »
Il n’y a donc aucun moment dans votre carrière politique où on vous a ramené à votre condition de femme dans le but de vous dénigrer ?
« Je suis une femme et une maman. Ça fait partie de ma personnalité mais ça ne me définit pas à 100 %. Bien sûr, le fait d’être une femme peut vous attirer des remarques ou des comportements sexistes. Mais personnellement, et je ne sais pas si c’est dû à ma taille, je n’ai pas souffert de comportements sexistes structurés qui m’auraient empêché d’évoluer ou m’auraient blessée outre mesure. Mais je sais que ce n’est pas vrai pour tout le monde. Je ne vais pas faire de faux témoignage : est-ce que j’ai rencontré dans mes relations de travail des remarques, des comportements, des personnes moins portées sur l’égalité des genres ? Oui. Mais je considère ça comme des faits mineurs qui nécessitent un recadrage et je ne me prive jamais de le faire. Puis je passe à autre chose. »
Avez-vous perçu une évolution dans les mentalités en matière de sexisme depuis le début de votre carrière ?
« Oui, il y a une évolution importante. Globalement, je dirais que maintenant le verre est à moitié plein. Mais quelle que soit la façon de le formuler, il n’en reste pas moins que le verre n’est pas encore rempli. Clairement, il y a encore beaucoup de travail à faire pour la présence des femmes dans les postes à hautes responsabilités ! »
Y a-t-il une cause qui vous semble prioritaire pour garantir cette égalité ?
« Instinctivement, je pense aux violences faites aux femmes. Avec la crise, ces violences se sont encore exacerbées et s’il y a bien quelque chose qui me fait frémir, c’est ça. »
Interview – Maïli Bernaerts
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