Chaque mois, le Parlement européen se réunit en séance plénière pendant quatre jours à Strasbourg. Ces sessions sont les temps forts de la vie parlementaire. C’est dans la ville française qu’ont lieu les grands débats d’actualité et le vote final sur les textes législatifs. On peut considérer la séance plénière comme l’aboutissement du travail effectué à Bruxelles. L’idée de ce billet est de vous fournir un récapitulatif des faits marquants de la semaine, d’en expliquer le contexte, de les analyser et de vous informer des votes importants pendant cette session. 

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President Tariffs 

Il ne s’en était pas caché. Le Président Donald Trump adore les droits de douane ; au point même de déclarer en plein meeting de campagne, pendant la course à la Présidence américaine, que tariff (droit de douane en anglais) était « le plus beau mot du dictionnaire ».

Pour faire simple : les droits de douane sont des taxes additionnelles qu’un pays peut choisir d’imposer sur les marchandises qu’il importe. Ces taxes sont exprimées généralement en pourcentage de la valeur du bien. Si tous les pays peuvent décider s’ils imposent des droits de douane ou non et à quelle hauteur, cette politique doit néanmoins respecter les engagements pris dans les accords commerciaux ou, de façon plus générale, les principes d’un commerce international libre et, surtout, basé sur une concurrence loyale. Les droits de douane ne sont pas la prérogative des Américains. L’Union européenne en impose, par exemple, sur les voitures chinoises dont les prix sont tirés artificiellement vers le bas par des subventions d’État massives à l’industrie, créant ainsi une concurrence totalement déloyale avec nos voitures européennes, sur notre propre marché.

Les droits de douane peuvent donc se justifier. Mais ils sont une arme commerciale à utiliser avec parcimonie et précaution. Les effets négatifs ne sont pas négligeables. En imposant des droits de douane élevés, non seulement, vous allez inévitablement créer des distorsions sur les échanges internationaux ; et peut-être même détériorer vos relations diplomatiques avec vos partenaires. Mais, en plus, dans votre propre pays, ces droits de douane iront se répercuter sur le prix des biens qui s’achèteront plus chers. Ce qui n’est pas bon pour le pouvoir d’achat des ménages. Sans compter que d’autres biens peuvent voir leurs prix augmenter à partir du moment où certaines chaines d’approvisionnement sont perturbées, ce qui engendre aussi des difficultés pour les entreprises qui se trouvent en bout de chaine justement. C’est donc toujours un juste équilibre à trouver.

Toutes ces considérations ne semblent pas inquiéter le Président Trump qui fait tomber une pluie de tarifs douaniers sur toute une série de pays, amis ou rivaux : 25% sur le Canada et le Mexique, 10% sur la Chine… Si l’Union européenne a été quelque peu épargné dans les faits – mais pas forcément dans les déclarations – en ce début de mandat, juste avant la session plénière du Parlement européen de février, le Président américain a annoncé imposer à partir de mars des droits de douane de 25% sur l’acier et l’aluminium « sans exception ». Ce qui touchera donc l’Europe.

Pour moi, cela ne fait aucun doute : la meilleure réponse à ces menaces venues de Washington, c’est une Europe unie, capable de résister, de répliquer et de sauvegarder ses secteurs. C’est le message que j’ai voulu faire passer à Strasbourg, pendant notre débat avec le Commissaire Šefčovič et le Ministre polonais Szłapka qui représentait le Conseil. Le Président Trump ne comprend que le rapport de force et compte très certainement sur notre passivité, voire le désordre. En faisant bloc, avec des contre-mesures justes et efficaces, la pression devrait s’inverser. En effet, aux États-Unis, les marchés ont également très mal réagi aux premières annonces de droits de douane. Ainsi, même dans les rangs du Parti Républicain, certaines voix dissonantes commencent à se faire entendre. Cela peut jouer en notre faveur.

Je ne suis, par contre, pas naïve. Le Président Trump envisage chaque relation de manière transactionnelle, bien souvent comme un marchandage. Nous, Européens, avons tendance à compartimenter les thématiques. Du commerce contre du commerce. Mais le Président américain ne s’embarrasse pas de ces détails. Illustration : le Canada et le Mexique ont réussi à « geler » l’application de droits de douane pendant un mois en échange d’une politique plus ferme en matière de gestion de leur frontière respective. Et si les droits de douane imposés à l’Europe ne visaient pas forcément à rééquilibrer le déficit budgétaire avec les États-Unis ? Après tout, le Vice-Président Vance a bien déclaré que les États-Unis pourraient quitter l’OTAN si l’UE essayait de réguler X, la plateforme d’Elon Musk. Ce chantage serait tout à fait inacceptable. Jamais, nous pourrions imaginer une seule seconde brader nos valeurs fondamentales et ce qui fait la démocratie européenne en échange de levées de barrières douanières. Au contraire, les citoyens européens n’ont jamais été autant demandeurs d’un libre-échange plus juste et plus équilibré, qui respecte leurs attentes en termes de valeurs et de qualité. Je serai donc particulièrement vigilante sur ceci.

 

Ján Kuciak et Martina Kušnírová 

« Notre liberté ne peut être défendue que si la presse est libre. » Cette citation est communément attribuée à Thomas Jefferson, Père fondateur des États-Unis dont il en fut également le troisième président. Très attaché aux Lumières, Jefferson était convaincu de l’importance de la presse libre dans une démocratie parce qu’elle avait non seulement la tâche d’informer le peuple souverain mais aussi endossait le rôle de contre-pouvoir et, par là-même, évitait les abus de ce pouvoir. Dans nos démocraties européennes, la liberté de la presse est toute aussi importante. Et pour les mêmes raisons. Cette liberté est consacrée dans plusieurs textes fondateurs européens comme, par exemple, à l’article 25 de la Constitution belge – qui, je le rappelle, a pu servir d’inspiration pour la Constitution d’autres États européens à l’époque.

Malgré cela, dans les faits, la protection des journalistes en Europe n’est malheureusement pas totale. L’assassinat de Ján Kuciak et de sa compagne Martina Kušnírová nous le rappelle tristement. Jan avait 27 ans, il était journaliste d’investigation, connu pour ses enquêtes sur la corruption dans les milieux d’affaire et de politique, en Slovaquie. En février 2018, il fut abattu par balle chez lui, aux côtés de Martina. Des années plus tard, si les raisons de cet assassinat commandité font peu de doutes, toute la lumière n’a toujours pas été faite sur l’affaire.

À la mémoire de Kuciak mais, aussi, d’autres tragédies similaire comme l’assassinat de Daphne Caruana Galizia à Malte en 2017, j’ai pris la parole en plénière pour soutenir le Commissaire McGrath dans son engagement à renforcer la protection des journalistes dans l’Union européenne. Trois moyens d’y arriver, parmi toutes une série d’autres. Tout d’abord, l’année passée est entré en vigueur la Législation européenne sur la liberté des médias dont toutes les dispositions seront pleinement effectives d’ici l’été. Ces nouvelles règles visent à protéger le pluralisme et l’indépendance des médias et, comme tout nouveau règlement, la Commission devra suivre scrupuleusement que chaque volet soit bien appliqué dans les États membres. L’année passée est aussi entrée en vigueur la Directive SLAPP (Strategic Lawsuit Against Public Participation) qui s’attaque aux « procédures-bâillon », c’est-à-dire les procédures judiciaires abusives contre, ici par exemple, des journalistes pour les empêcher de faire leur travail en toute liberté. Problème : la Directive vise aujourd’hui les cas transnationaux alors que les cas fréquents d’intimidation se trouvent bien au niveau national. Daphne avait, par exemple, une quarantaine de procédures à son encontre, à Malte. Il est donc fondamental que cette directive ait une extension nationale dans chaque État. Enfin, les recommandations répétées ne suffisent plus. Sur des questions d’État de droit ou de libertés fondamentales comme celles-ci, l’inaction doit aboutir, à un moment donné, à des sanctions.

 

Partenaire de la démocratie dans le monde 

En tant que Vice-Présidente en charge, notamment, des droits humains, de l’État de droit et du soutien à la démocratie, je siège dans le groupe DEG (Democracy Support and Election Coordination Group) dont les deux tâches principales sont l’observation ainsi que le suivi des élections dans le monde et le soutien à la démocratie, à travers différentes activités et partenariats interparlementaires. En début d’année, les membres du DEG se mettent d’accord sur un Programme de travail annuel qui définit, entre autres, les pays prioritaires dans lesquels nos activités de soutien à la démocratie vont se concentrer. Il a été décidé de travailler particulièrement avec les pays dans notre voisinage direct. Beaucoup sont candidats à adhérer à notre Union : l’Ukraine, la Moldavie et les pays des Balkans. Devenir un pays membre de l’Union européenne exige de respecter une série de critères, nos standards élevés et, surtout, nos principes démocratiques. Les initiatives du DEG vont donc dans ce sens. Cette année, les membres du groupe ont voulu aussi collaborer plus étroitement avec l’Arménie qui fait déjà partie du Partenariat oriental et montre un engagement profond à renforcer sa démocratie.

Enfin, le DEG continuera à travailler avec le Parlement panafricain, l’assemblée de l’Union africaine, avec un accent spécifique sur la région des Grands Lacs. La situation dramatique en République Démocratique du Congo me convainc d’autant plus que c’était le bon choix puisqu’on sait pertinemment que le soutien à la démocratie et aux droits humains sont non seulement une condition mais participent aussi à la paix, au renforcement de la stabilité et, en définitive, au développement économique ainsi qu’au bien-être social. Par ailleurs, cette décision s’est faite en parallèle de l’adoption d’une résolution qui reconnait l’occupation de Goma comme un viol de la souveraineté et de l’intégrité territoriale de la RDC et exige une série de sanctions notamment à l’encontre des responsables du M23. Un message sans ambiguïté, en provenance d’une large coalition, qui doit être suivi de réponses concrètes par l’Union européenne.

J’ai par ailleurs co-signé deux autres textes en lien avec les droits humains et les principes démocratiques. Le premier concerne la Turquie où des maires démocratiquement élus ont été destitués et emprisonnés arbitrairement. Le deuxième reconnait une nouvelle fois Salomé Zourabichvili comme présidente légitime de la Géorgie, après des élections truquées au bénéfice du parti Rêve Géorgien. De nouvelles élections doivent se tenir, de manière indépendante et transparente.

Plus d’informations sur le site du Parlement européen.