Question à Didier Reynders, vice-premier ministre et ministre des Affaires étrangères et européennes, sur « le problème des fonds vautours et les comptes de l’ambassade d’Argentine en Belgique »
Monsieur le président, monsieur le vice-premier ministre, la presse nous a récemment rapporté la saisie par le fonds NML, un fonds vautour connu, des comptes de l’ambassade d’Argentine située à Bruxelles. Hasard de calendrier ou non, ce gel des comptes a été signifié au lendemain de la présentation devant la presse d’une proposition de loi visant à lutter justement contre ces fonds vautours en Belgique, proposition de loi qui, je vous le rappelle, a été cosignée par l’ensemble des groupes politiques démocratiques de notre assemblée, ce qui, faut-il le souligner, est une excellente chose.
(Applaudissements) Je vous remercie, monsieur Laaouej.
Cette initiative est évidemment une initiative parlementaire mais elle s’inscrit néanmoins pleinement dans la volonté de notre gouvernement et du MR de lutter pour une finance plus juste et plus éthique, tant au niveau belge qu’international. Cette attaque démontre, s’il le fallait encore, la réalité objective de cette problématique sur notre territoire et nous conforte évidemment dans l’idée qu’il est fondamental de s’attaquer de front à cette menace.
Le problème que pose le gel de ces comptes renvoie également à l’inviolabilité des avoirs protégés par l’immunité diplomatique. À ce sujet, une convention des Nations unies en attente de ratification prévoit un renforcement de l’immunité des biens des ambassades qui servent justement à leur fonctionnement.
Monsieur le vice-premier ministre, pouvez-vous nous informer de la teneur des contacts que vous avez pris avec les diplomates argentins dans ce dossier et du soutien que vous pouvez leur apporter? Pouvez-vous aussi nous expliquer un peu plus en détail le contenu de la convention des Nations unies et, à ce titre, nous dire quel est l’état des lieux du processus de ratification par la Belgique ainsi que votre position à cet égard?
Réponse de Didier Reynders :
Monsieur le président, madame Wilmès, je vous donnerai trois éléments de réponse. Venons-en tout d’abord aux faits. Pour ce faire, je reprends ce document. Il s’agit d’une saisie-arrêt conservatoire sur des fonds qui appartiennent à l’Argentine, mais qui sont évidemment entre les mains de tiers, en l’espèce des banques qui sont les tiers saisis. Cette saisie n’est pas pratiquée sur la base d’une décision de justice belge, mais par un simple exploit d’huissier de justice effectué par ce dernier sur requête des avocats d’une société établie aux îles Caïman, et ce en vertu d’un jugement étranger définitif rendu par le United States District Court for the Southern District of New York.
Il s’agit donc, à ce stade, d’une mesure conservatoire, et non exécutoire. Nous sommes évidemment entrés en contact avec les services de l’ambassade d’Argentine à Bruxelles pour tenter de les assister dans cettesituation. L’ambassade pourra demander la levée de la saisie devant le juge des saisies en invoquant l’immunité conférée par la Convention de Vienne pour les fonds affectés au fonctionnement d’une ambassade. Elle connaît au demeurant la procédure, puisque ce n’est pas la première fois qu’elle est confrontée à une tentative de saisie par un fonds vautour.
S’agissant de son fonctionnement, je vous rassure: les conséquences sont limitées. Seuls les comptes bancaires de l’ambassade bilatérale ont été saisis, pas ceux auprès de la représentation permanente auprès de l’Union européenne.
Je me réjouis, et c’est ma deuxième remarque, des travaux en cours pour essayer de lutter contre ces fonds vautours. J’attire votre attention sur la nécessité de s’encadrer, bien entendu, de toutes les précautions juridiques pour que les mesures soient efficaces si des procédures judiciaires devaient intervenir.
Enfin, la convention des Nations unies sur les immunités juridictionnelles des États et de leurs biens codifie des règles coutumières. En principe, l’immunité de juridiction implique qu’un État ne peut être jugé à l’étranger sans son consentement exprès. Des exceptions existent cependant, notamment en termes de droit du travail.
L’immunité d’exécution a pour conséquence qu’aucune forme de contrainte – saisie-arrêt ou saisie-exécution – ne peut être exercée contre les biens d’un État affectés aux fonctions d’autorité. En son article 21 sont tout particulièrement visés les biens et comptes des ambassades. La Belgique a signé cette convention le 22 avril 2005. Depuis lors, des discussions ont eu lieu pour tenter de voir les modalités précises d’exécution. Le 19 décembre, j’en ai conféré avec le ministre de la Justice. J’ai constaté que nous étions en train de finaliser l’exposé des motifs du texte qui devrait vous être soumis pour aller dans le sens d’une ratification.
Sophie Wilmès :
Monsieur le vice-premier ministre, je vous remercie.
Tout d’abord, je voudrais vous faire part de ma satisfaction d’apprendre que vous êtes en contact fréquent avec l’ambassade d’Argentine. Comme je l’ai dit, même si l’attaque récente de ce fonds vautour – qu’elle soit conservatoire ou exécutoire – a peu d’impact sur la problématique dans sa globalité au niveau international, elle doit être prise pour ce qu’elle est, à savoir une attaque. La ratification par la Belgique de cette convention me paraît être un pas dans la bonne direction, de la même manière que le vote, dans un futur proche, de cette proposition de loi qui ne règlera pas tout mais qui donnera un signal fort à ces fonds.