Cela fait quatre ans que l’opposition fait mine de ne rien comprendre au budget
On la sent plutôt remontée, la ministre fédérale du Budget. L’opposition s’empare de la dernière livraison du Conseil supérieur des finances (CSF) afin de dénoncer un « dérapage budgétaire » fort de quelque 11 milliards d’euros dans le chef du gouvernement Michel. Sophie Wilmès (MR) fulmine. Et entend « remettre les pendules à l’heure ».
« Ce gouvernement a divisé le déficit par quatre, en réduisant la pression fiscale, tout en soignant la compétitivité et le pouvoir d’achat. »
C’est tout à fait détestable ce que certains font semblant de faire. À savoir confondre un bilan, basé sur un compte, avec des projections, qui sont des hypothèses prises à un instant « T » et à politique inchangée. Cela fait des années qu’ils jouent dans le registre du catastrophisme et font mine de ne pas comprendre. Alors je répète: les projections à l’horizon 2021 ne constituent en rien le bilan du gouvernement Michel, qui s’établit de décembre 2014 à décembre 2018.
Quel est-il, ce bilan budgétaire?
Il est observable et vérifiable. Résumons. En quatre ans, le déficit nominal a été divisé par quatre, passant de 3,1% à 0,8% du PIB. Un résultat obtenu d’une manière inédite, en diminuant la pression fiscale à hauteur de 0,7% du PIB et en réduisant les dépenses, hors charges d’intérêts, de 1,4% du PIB. Le tout en soignant la compétitivité des entreprises, en rehaussant le pouvoir d’achat des travailleurs et en permettant la création de 230.000 emplois, essentiellement dans le privé. Et que donne la comparaison avec la législature précédente? Sous Di Rupo, le déficit nominal est passé de 4,1% à 3,1% du PIB. Tant la pression fiscale que les dépenses ont crû, respectivement de 1,8% et 1,6% du PIB. Et la majorité des 14.000 emplois créés l’ont été dans le public.
Le MR en faisait partie aussi, de cette coalition.
Parfaitement. Cela démontre l’importance d’avoir un leadership libéral plutôt que socialiste. C’est un constat.
Faut-il y voir une critique sur la fiabilité des projections budgétaires?
Absolument pas. C’est un exercice qui a tout son intérêt, notamment afin de pointer les défis qui nous attendent, comme l’impact du vieillissement de la population. Simplement, une projection n’est pas un compte arrêté. Et il est intellectuellement malhonnête de feindre ignorer les limites intrinsèques de l’exercice. Tenez: début 2017, le Bureau fédéral du plan prévoyait, pour la même année, un déficit de 1,9% du PIB; nous avons terminé à 0,9%. Situation similaire en 2018, où l’on annonçait 1,1%, avec 0,8% pour résultat final. Cela démontre l’importance d’avoir un gouvernement à la manoeuvre, doté d’une volonté d’assainir et de la capacité à le faire. Ce que nous ne sommes plus en mesure d’effectuer cette année.
Cela étant, est-il correct d’arrêter le bilan de Michel à la fin 2018? Parce que les projections montrent que d’ici 2021, la situation budgétaire se dégrade d’elle-même.
Bien sûr. Et certains feignent d’apprendre que sans nouvelles mesures, le solde budgétaire se dégrade tout seul. Cela, on le sait depuis longtemps. Et cela a été expliqué au Parlement, notamment lors des débats entourant le budget initial 2019. À quoi est-ce dû? Au ralentissement économique, qui était déjà prévu mais semble à présent se renforcer, notamment à cause de l’incertitude internationale. À l’impact du coût du vieillissement. D’ici 2021, le coût des pensions devrait grimper de 12,9%, ce qui constitue une accélération. J’en profite pour glisser qu’il s’agit d’un défi que nous avons pris à bras-le-corps mais, là aussi, nous avons subi des critiques. Il y a les soins de santé, encore, dont le budget gonflera de 2,5 milliards d’ici 2021. Sans oublier la probable hausse de la contribution au budget de l’Union européenne.
Et pas le tax shift, qui a continué à déployer ses effets en 2019?
Oui, le tax shift a eu un impact à la baisse sur les recettes à l’impôt des personnes physiques. Mais il ne possède pas son propre budget, séparé. Le tax shift, c’est 9 milliards dédiés à la compétitivité et au pouvoir d’achat, de quoi appuyer la relance de l’économie, ce qui sert, au bout du compte, le budget. Je comprends la mécanique électorale, où l’on simplifie les choses afin de les faire coller à ses propres thèses. Mais la réalité budgétaire est bien plus complexe. Et au final, oui, le gouvernement suivant devra prendre ses responsabilités, mais son chemin sera plus facile que le nôtre.